Arrête ton cinéma! est une série documentaire. Pour tenter d'élucider des questions, un cinéaste en herbe embarque son équipe dans une suite de rencontres, et se saisit de l'occasion pour faire son cinéma. Au fil de leurs errances se dessine une mosaïque de la société, vue à travers sa passion.
Chaque épisode soulève donc une problématique, et la petite bande part dans un lieu choisi pour son lien avec celle-ci dans l'espoir d'y trouver des réponses. Ils rencontrent au hasard de leur errance toutes sortes de personnes, souvent non spécialistes sur le sujet, mais aussi des personnalités aguerries sur ce qu'ils recherchent. L'équipe ne cherche pas à promouvoir ces lieux, ni ces personnes, mais plutôt à les questionner. Surtout, en filmant leurs errances, il s'agit pour eux de continuer leur cinéma.
Cette série artisanale est marquée à la fois dʼun ton naïf et d'une démarche militante : l'enjeu, en dessinant la place du cinéma dans la société, est de prendre cet art comme prétexte pour parler de la vie. Ainsi, dans une approche quasi sociologique, ces errances constituent une photographie de l'existence, prise avec le filtre du cinéma.
Aborder un désir de cinéma à travers une errance
Arrête ton cinéma! est tout autant une série documentaire sur le cinéma et la société que sur nous, jeunes cinéastes au travail, dans notre tentative de fabrication de cinéma. Comment faire du cinéma aujourd’hui lorsque l’on est jeune et indépendant ? C’est de là que vient en partie le titre de ma série. Comme si la fameuse expression s’adressait à tous ceux qui s’imaginent que le septième art est uniquement celui des grands moyens et des starlettes. Mon premier parti pris est de faire une série documentaire dans laquelle nous sommes les personnages des films que nous tentons de faire, avec nos propres moyens.
Je viens d’un milieu qui n’a jamais accordé d’attention à l’art. Je me suis intéressé par moi-même au cinéma, avant de le redécouvrir lors de mes études, dans un milieu où la culture est au centre de toutes les préoccupations. Les visions parfois tranchées et stéréotypées auxquelles je me suis personnellement confronté sont aussi à l’origine de cette série. J’ai envie de jouer avec elles dans mes entretiens. Je pars d’une démarche militante : en tant que passionné de cinéma, je veux montrer le cinéma comme faisant partie intégrante du quotidien de tous, par les références, les pratiques, les attentes ou les analyses que chacun peut avoir à son sujet. Aujourd’hui, je m’interroge sur ma passion et par conséquent sur moi-même. Les errances dans cette série sont aussi une recherche de sens pour moi. François Truffaut, face à un slogan publicitaire dans les années 1970 (« Quand on aime la vie, on va au cinéma ! ») y répondait que « C’est quand on n'aime pas la vie qu’on va au cinéma ! ». La réponse de Truffaut soulevait un questionnement qui me touche. Que recherche t-on en allant au cinéma ? Pouvons-nous avancer que la cinéphilie serait la maladie de ceux qui n’aiment pas leur vie comme le laissait penser Truffaut ? Cette problématique est la mienne à présent, je la place au cœur de ma série.
NOTE D'INTENTION
Aborder une approche artisanale du septième art
Les idées préconçues auxquelles j’ai personnellement fait face lorsque j’ai eu envie de faire du cinéma sont au centre de ma série documentaire. Le septième art est souvent perçu comme un monde inaccessible et vouloir en faire comme un signe de prétention ou de déconnexion par rapport aux réalités de la vie. Vouloir être cinéaste m’a longtemps enfermé dans une image oisive et velléitaire. J’ai envie de déconstruire ces visions en nous montrant, mon équipe et moi, au travail et en impliquant le spectateur dans notre tentative de cinéma. En l’intégrant à notre bande, nous lui montrons le septième art dans sa réalité la plus commune : loin des paillettes et des tapis rouges.
Ma démarche consiste à proposer une série non formatée au risque de paraître artisanale. Il s’agit d’une approche sociologique, autant sur ces multiples rencontres que sur les jeunes cinéastes en herbe que nous sommes. Notre histoire est le fil conducteur des différentes rencontres, c’est notre errance que le spectateur suit et par elle que se construisent les dialogues. L’amateurisme de nos personnages est assumé, il apporte toute l'esthétique de la série.
Aborder le cinéma dans sa dimension sociale
Le cinéma est aujourd’hui encore la pratique culturelle dominante des français. C’est une occasion de rencontres, un lieu de sociabilisation, aller voir un film en salle reste faire l’expérience de « voir ensemble ». De là émerge l’idée de ma série, envisager le cinéma en tant qu’objet social. Mes errances ont ainsi un but essentiellement sociologique : dessiner une image de la société à travers le cinéma, et vice-versa.
Le cinéma me donne envie de récolter des histoires et de les raconter. Ce qui m’intéresse de comprendre, c’est la raison pour laquelle aller au cinéma reste la pratique culturelle favorite des français en dépit de toutes les possibilités nouvelles de découvrir les films. La recherche est collective : l’enjeu est de partir d’idées reçues, celles auxquelles j’ai pu me confronter par exemple, pour les étudier et en révéler les fondements et les limites. Et si j’insiste autant sur la nécessité du micro-trottoir dans cette série, c’est parce que je suis persuadé que tous les avis sont au final éclairants.
Je suis un passionné sans limites, certes gauche, car je joue un peu à l’idiot; pourtant, j’aime faire progressivement évoluer le traitement de mon questionnement, d’où ce désir de procéder crescendo allant vers des individus susceptibles d’être de plus en plus documentés sur ma problématique. Cette structure me semble la plus pertinente : partir de la parole d’une personne rencontrée au hasard d’une errance et glisser vers celle d’acteurs du milieu cinématographique, artistique ou culturel, laissant ainsi au spectateur la liberté de faire son propre montage.
Je propose une série d’errances et de rencontres, j’ai comme ambition de capter ces rencontres et ce qu’elles révèlent de la vie. Ma recherche, de prime abord cinéphilique, n’est finalement qu’un prétexte pour filmer l’existence. Des errances donc, sur les chemins du cinéma, des chemins que je souhaite suivre et ce, tel un artisan, en me tenant à distance des conventions pour mieux jouer avec elles.
Jonathan Trullard